BOLIVIE
Carnet de route
Du 30 mai au 14 juin 2008
Si la sortie du Chili se fait sans problèmes, c'est un peu plus
"confus" du côté bolivien pour entrer. D'abord
l'immigration où, à part l'attente inutile pour seulement
prendre le papier à remplir et refaire la queue une fois qu'il
est rempli, tout se passe bien. C'est un peu moins clair pour
l'importation temporaire du véhicule. Aller dans un bungalow,
demander le document, le remplir soi-même, aller dans un autre
bureau pour le faire enregistrer, puis dans un autre pour y mettre un
autre numéro, retourner dans le bungalow pour y mettre encore
quelques numéros et autres cachets...mais ça se fait
bien, sauf pour Pierre, ces démarches administratives
l'énervent toujours un peu...déjà qu'en
France....bref, pour ceux qui le connaissent, vous voyez, pour les autres, imaginez....Ensuite, on doit
payer quelque chose, mais non, dit la jeune douanière d'un air
offusqué, on ne paie rien à la douane...A bon, mais
Dominique avait pourtant bien compris ce que le douanier
précédent a dit, 2 fois 10 bols, elle a bien
entendu...Qu'à cela ne tienne, nous paierons quand même
quelque chose : pour sortir de la zone douanière, il faut qu'une
barrière se lève et pour qu'elle se lève, il faut
payer...10 bols et voilà, à nous la Bolivie !
Les belles couleurs de l'altiplano chilien continuent encore pendant
quelques dizaines de kilomètres puis finissent par
disparaître, laissant place à un paysage monotone
parsemé de villages aux maisons d'adobe, souvent en ruine et
abandonnées, quelquefois habitées de populations indiennes
vivant sommairement de l'élevage de lamas. Nous arrivons
à Oruro, notre première grande ville de Bolivie. C'est un
choc ! En dehors de ce qui nous semble être la rue principale que
nous essayons de ne pas quitter, les rues adjacentes sont en terre,
poussiéreuses. Les noms des rues n'existent que sur les plans,
impossible de savoir où nous sommes. La circulation, surtout les
microbus innombrables circulant à grand renfort de klaxon pour
quitter des arrêts de bus imaginaires (nous comprendrons plus
tard que les arrêts de bus n'existent pas vraiment, c'est
seulement la demande qui fait l'arrêt...), ne nous permet pas de
nous arrêter facilement pour demander notre route dans ce qui
nous semble être un véritable capharnaüm. Au prix de
multiples prouesses de pilotage, Pierre impose notre nomad dans cette
circulation anarchique. Nous avons pu repérer que quelques
propriétaires ajoutent au numéro de leur maison le nom de
la rue, ouf, ça existe ! mais c'est trop petit pour être
lu du véhicule et toujours aussi difficile de s'arrêter. Enfin,
après plusieurs demandes infructueuses, (apparemment les
boliviens ne savent pas où ils sont, ils ne connaissent pas le
nom de la rue où ils se trouvent !), nous arrivons enfin, dans une
station service, à avoir des explications confuses de la part du
pompiste, éclaircies par une gentille cliente qui a vu l'air
désemparé de Dominique. Nous prenons des rues complètement
défoncées où Nomad se "tortille" dans tous les
sens, et nous arrivons sur une grande route à double
chaussée : Mais à gauche ou à droite ?
Heureusement un policier aimable nous indique à gauche, comment
faire, c'est à contresens ? le muret de séparation des
deux chaussées est cassé sur une portion suffisante pour
y laisser passer les véhicules pendant les travaux, simple non ?
Nous quittons Oruro, qui ressemble à ce que doit être
une ville après un bombardement, espérant
trouver un peu plus loin une petite ville plus accueillante pour notre
bivouac. Challapata sera notre bivouac, devant un petit restaurant
où nous dînons d'une soupe "complète", poulet, oeuf
dur, pomme de terre, riz, tout est dedans ! Toutefois très bon.
Le
paysage prend quelques couleurs dans la cordillère de los
frailes par des altitudes entre
4000 et 4300 mètres et quelques -10 à -12° à
l'extérieur rendant le chauffage de la cabine difficile. Nous
arrivons à Potosi où là encore, les panneaux
indicateurs brillent par leur absence. Nous essayons de nous orienter
tant bien que mal, mais là, c'est plutôt mal car à
force de suivre des bus en nous disant que nous pouvons passer nous
aussi, nous sommes complètement perdus et ce n'est pas le bref
geste de la main d'un policier pour nous indiquer la route de Sucre qui
nous permet de la trouver. De ruelles étroites à
d'autres en pente, nous traversons un marché où sans
aucune panique les camelots déplacent leurs parasols pour nous
laisser passer...Enfin nous trouvons une route qui ressemble à
une route et...nous la prenons, nous verrons bien où ça
mène ! Quelques kilomètres plus loin, le soleil ne se
présentant pas dans le sens espéré, nous demandons
encore une fois la route dans une petite boutique : Tout va bien, c'est
la bonne route mais nous ne sommes pas dans le bon sens...Un demi-tour,
et, quelques kilomètres plus loin, nous sommes ravis de croiser
un panneau indicateur qui nous dit que nous allons vers Sucre...
Très heureux d'en avoir la certitude ! Notre arrivée
à Sucre fait remonter la
Bolivie dans notre estime : enfin des plaques de rue et miracle, nous
ne nous perdons pas et nous arrivons sur la place
centrale, 25 de mayo (le 25 de mayo étant la date de
l'indépendance de l'Amérique du sud, c'est un nom très
courant pour la place ou l'avenue principale de toutes les villes
d'Amérique du sud, concurrencé par le
général San Martin et son ami O'Higgins, grands
acteurs dans la guerre d'indépendance)! A peine
stationnés, un gamin vient nous
proposer une toilette pour notre Nomad, et vu son état, nous
acceptons de suite. D'autres gamins viennent nous proposer le
même traitement pour nos chaussures, mais nous estimons que leur
état de fatigue avancée fait qu'il est maintenant inutile
de leur prodiguer des soins de beauté...La place est très
jolie, très animée et il fait chaud ! Sucre n'est
qu'à 2790 mètres d'altitude et bénéficie du
climat doux des vallées. Nous avons une adresse de parking,
malheureusement fermé pour 3 jours pour cause de deuil...pas de
chance pour nous, nous restons sur la place, après avoir
visité d'autres parkings où la hauteur des porches ne
permet pas à notre Nomad d'entrer...il n'est pas pliant !
Nous dînons dans un petit resto et passons une nuit relativement
calme sur la place.
C'est en bus que nous allons au marché de Tarabuco. Vu le
style de conduite que nous avons déjà constaté sur
les routes boliviennes, nous confions nos vies à un chauffeur
dont nous ne connaissons pas les capacités ni les envies de
prouesse et à un bus bien fatigué. Ceci dit, s'il est
fatigué, il va moins vite ! Sur le pare brise est
collé,
modernisme oblige, un grand autocollant
représentant le christ et au rétroviseur pendent une
bonne quantité de croix. Voilà qui devrait nous
protéger ! 2
heures de route pour 60 km d'une belle route asphaltée, le
bus très fatigué doit se contenter de la
première dans les côtes. Le chauffeur n'est pas un expert
de la cascade, contrairement à d'autres qui doublent sans
scrupules dans les virages... Tarabuco, c'est le marché à
ne pas rater en Bolivie...Et bien, il ne nous a pas vraiment
séduit. La place du village est occupée par les commerces
"spécial touristes", charmants mais bon... Les autres rues du
village sont consacrées au vrai marché local, avec tous
les petits commerces, pâtes, feuilles de coca, chaussures et autres
quincailleries, plus loin le marché
aux fruits, légumes et viandes. Malheureusement, dans cette
partie plus typique du marché, nous nous sentions à
l'aise jusqu'à ce que plusieurs bousculades volontaires nous
fassent penser que nous n'étions pas les bienvenus,
confirmés par des regards hostiles...C'est malheureusement le
problème de ces endroits trop fréquentés par les
touristes qui leur font perdre un peu de leur âme. A qui la faute
? Toutefois, les bolivianos que nous laissons dans le commerce ne
subissent pas de regards désagréables, eux...Nous restons
sur la place à regarder le ballet incessant des indiens
Tarabucos et Yamparas vêtus de leurs costumes typiques si
fatigués et si sales que l'on se demande s'ils ne servent que
pour cette mascarade du dimanche ? Les hommes portent la montera,
chapeau dont la forme rappelle les casques en fer des conquistadores
espagnols, les femmes portent le joq'ullu, joli chapeau de laine avec
des perles de couleur couvrant le front (mariées) ou le
côté (célibataires). Pour les chaussures, un seul
modèle, la sandale en pneus recyclés avec au choix
semelle fine ou semelle rando, et toutes les pointures. Par ces climats
si rudes, il y a longtemps que nous aurions les pieds gelés !
Vu la taille de la sono qui s'est installée pour la
soirée sur la place, nous changeons de bivouac, devant
l'institut judiciaire, ça rassure ! Le lendemain Pierre se
réveille malade, début d'une intoxication alimentaire.
Heureusement, l'après-midi, alors que nous avons repris notre
bivouac sur la place, arrive l'équipage Nocybb,
Stéphane, Nadine et leurs trois filles que nous avions
quittés la dernière fois à Puerto Natales au
Chili. Leur voyage ne durant que dix mois, ils vont beaucoup plus vite
que nous et ont déjà parcouru Pérou, Equateur et
une partie de la Bolivie. Heureuses retrouvailles ! Et comme par
hasard, Stéphane sort de l'hôpital pour cause
d'intoxication alimentaire, et a donc encore un assortiment de
médicaments que Pierre accepte, enfin, d'avaler...Il ne voulait
pas de ceux que nous avions, allez savoir pourquoi ! Nous pouvons enfin
stationner sur le parking, beaucoup moins bruyant que la place et
Pierre récupère peu à peu, mais il lui faudra bien
3 jours pour retrouver un peu de force. C'est donc seule que Dominique
visite le très intéressant musée des textiles
et arpente les rues du centre où se succèdent les
merveilleux immeubles baroques de l'époque coloniale, tous plus
blancs les uns que les autres. Nous décidons de rentrer en
Argentine, Pierre étant toujours fatigué.
Pendant ce temps, la Bolivie connaît quelques crises.
Déjà plusieurs référendum ont eu lieu, pour
une certaine autonomie des régions, et les manifestations et
bloqueos (barrage routier fait par des véhicules et de grosses
pierres déposées sur la route) rendent les
déplacements parfois difficiles. Cette fois, ce sont les
transporteurs qui manifestent leur mécontentement. Tous les
accès de Sucre sont bloqués et nous restons une
journée de plus.
Le lendemain, le gérant du parking nous dit que les bloqueos ne
sont toujours pas levés, mais nous décidons de partir,
nous verrons bien...Effectivement, nous voyons, à la sortie de
Sucre, des camions bloquant la route. Petite conversation avec un
bolivien :
-Quelle est la raison du bloqueo ?
-Un changement dans le
paiement des impôts pour les transporteurs, qui devient mensuel au lieu de trimestriel. (Sans
doute le détail nous a échappé, car cela avait l'air inconcevable pour
eux).
Commentaire du bolivien : Quel mauvais pays ! Et un gouvernement qui ne
résout aucun problème...Nous avons l'impression qu'il
nous présente des excuses au nom de son pays...
Nous retournons à la station service où nous avions
quitté Nocybb pour les prévenir qu'ils ne s'engagent pas.Nous
passons la journée à attendre à la station service. Les hommes s'occupent,
comme toujours : Nocybb n'a plus aucun éclairage arrière,
Stéphane et Pierre s'activent à remettre tout ça en état.
C'est plus prudent pour rouler, surtout en Bolivie ! A la station, une
file incessante de véhicules qui font leur plein, d'autres, en
moto, en vélo, viennent remplir des bidons du précieux
liquide qui sera sans doute tout simplement revendu...Système D
dans un pays qui nous parait bien instable...
Après-midi : nous avons la visite d'une bolivienne, son
bébé dans les bras, qui s'installe tranquillement dans
Nomad...après un peu de conversation, le silence s'installe et
nous devons ruser pour qu'elle parte, ils sont comme ça les
boliviens (Nadine a déjà vécu la même
chose). Peu après, c'est toute la famille qui rapplique : la
mère, une soeur, et toute une ribambelle d'enfants. tout le
monde veut visiter ! La maman nous a apporté du pain maison.
Mariella a vécu en Espagne pendant 15 mois, elle nous
raconte
cette expérience et un peu sa vie, pas simple la vie
ici...Elle nous promet de revenir le lendemain pour
bavarder...Mariella, comme tu as dû être
déçue, mais nous ne pouvions pas t'attendre !
Fin de journée : Le gardien de la station vient nous demander
une petite participation pour l'achat de sa coca, ainsi il nous
surveillera pendant la nuit. Nous collaborons donc à l'achat de
la précieuse feuille.
Début de soirée : Alors que nous prenons un verre
ensemble, le gardien revient et nous demande de nous tenir prêts
vers 21 heures, le bloqueo sera ouvert pendant une heure et nous
pourrons passer. Super !
22 heures : Nous sortons de Sucre et roulons quelques kilomètres pour trouver un bivouac pour la nuit.
Finalement, nous décidons de continuer le voyage en Bolivie avec
Nocybb, à deux équipages, c'est plus rassurant. Direction
donc Potosi, 4000 mètres d'altitude. Cette fois,
nous demandons
régulièrement la route et trouvons sans trop
de difficultés l'hôtel Tarija où nous pouvons
stationner dans la cour. Le centre de Potosi regorge également
de bâtiments coloniaux, chefs-d'oeuvre d'architecture baroque.
Nous visitons la Moneda, superbe bâtisse où était
frappée la monnaie, les jolies pièces faites avec
l'argent tout droit sorti du Cerro Rico, un des plus gros gisement
d'argent au monde. Aujourd'hui, des mineurs extraient encore des
minerais d'étain, de zinc et un peu d'argent. Pour visiter
la mine,
nous passons d'abord dans une petite boutique où il est
de coutume d'acheter des choses pour les mineurs : feuilles de coca,
sodas, biscuits, détonateurs, dynamite mais aussi, chose
incroyable, de l'alcool de canne à 96° ! Les mineurs le
boive, mélanger à d'autres boissons
alcoolisées...Passage au vestiaire et c'est ensuite la
visite dans le ventre du Cerro Rico. Un voyage dans le temps : 4
mineurs, deux qui tirent et deux qui poussent, déplacent les
wagonnets remplis d'une tonne de minerai. Parfois les rails en mauvais
état laissent échapper le wagonnet. Les mineurs le
remettent en place à la seule force de leurs bras...Un wagonnet
arrive : Il est basculé pour le vider, dans un nuage de
poussière qu'ils respirent sans chercher à y
échapper alors que nous nous baissons et nous cachons le nez
avec un morceau de vêtement. Irrespirable...Si certaines galeries
sont étayées en pierre depuis l'époque coloniale,
d'autres ne sont soutenues que par des étais de bois dont
certains nous semblent bien précaires. Nous comprenons
l'utilité de la feuille de coca dans ces conditions de travail :
De huit heures à dix-huit heures, six jours par semaine, les
mineurs travaillent sans interruption et sans manger. La coca les aide
à tenir le coup, trompant la faim qui pourrait tirailler
les estomacs, tout ça pour un salaire de misère.
Nous rencontrons un autre mineur qui travaille seul dans sa galerie,
triant sur place le minerai. On ne ressort pas indemne d'une telle
visite...
Potosi, place du marché : A côté des marchands
ambulants de beignets et empanadas, une grande mare d'eau stagnante
à l'odeur pestilentielle, sorte de tout-à-l'égout naturel où
les chiens viennent boire, des enfants jouent à deux pas...
Après un retour à Challapata, nous prenons la piste
direction le salar d'Uyuni. Après
un début de route
asphaltée, c'est ensuite une piste en travaux et de nombreuses
déviations, le cauchemar des véhicules. Nous trouvons
ensuite une rivière à traverser. Les hommes descendent
pour y voir de plus près. Le passage est bétonné
et ne devrait donc pas poser de problèmes. Heureusement ou
malheureusement ? Si nous n'avions pas pu traverser là, nous
aurions fait demi-tour et éviter toutes les difficultés
suivantes. Mais c'est ainsi ! La piste ne sera qu'une succession de
rivières à traverser, pas aussi faciles que la
première, des lits de ruisseaux à sec mais tellement
creux que les arrières de nos véhicules en sortiront bien
amochés, des pistes qui se perdent. Les vibrations et les
secousses sont telles que les vis des charnières de la porte de
la salle d'eau n'y résistent pas...la porte décide de quitter sa place...
Nous rencontrons parfois des boliviens toujours aussi
indifférents, mais peut-on leur en vouloir, qui nous
affirment que nous sommes seulement à une demie-heure de
Tahua,
notre destination, et que la piste est bonne. Mais nous en avons eu
combien des demies-heures ? Parfois, les nerfs lâchent, nous n'en
pouvons plus de tant de difficultés. Mais enfin vers dix-huit
heures, la nuit approche, nous arrivons au Salar ! Encore un petit
effort et un demi-tour sur une piste
étroite,
nous avons
raté l'entrée, et nous voilà roulant sur cette
immensité de sel à l'heure où le soleil rougeoyant
disparaît derrière l'horizon. Nous trouvons sans
problème l'île du pescado où nous bivouaquons pour
la nuit. Il fait froid...mais nous pensons que la couette sera
suffisante et nous ne mettons pas le chauffage...ce qui nous vaut, en
pleine nuit, un bruit étrange...le temps de comprendre ce que
c'est, il est trop tard : à cause du froid, la vanne de sécurité s'est
déclenchée, vidant le chauffe-eau, et la pompe
étant restée en marche, le réservoir d'eau
également...Il ne nous reste plus que le jerrican de 20 litres...

Dans
le froid matinal, nous allons sur l'île puis roulons de nouveau
sur cette étrange surface jusqu'à l'île
habitée de Inkawasi, puis
vers l'hôtel de sel. La sortie
approche, les petits tas de sel nous font nous éloigner un peu
de la piste (dans le salar, ne pas quitter les traces noires...).
Colchani est juste en face de nous à quelques centaines de
mètres. Nous repérons des traces dans le sel et nous
fonçons droit dessus, Nocybb en tête...Grave erreur...Nous
voyons Nocybb ralentir et repartir en faisant demi-tour puis
s'arrêter.
Le temps de comprendre ce qui leur arrive et de dire
"arrête, c'est mou", trop tard, nous sommes aussi
enlisés...Après plusieurs tentatives, il faut nous rendre
à l'évidence, nous ne pourrons pas sortir seuls de cette
glaise très molle qui colle aux roues. Un camping-car arrive sur
le salar, nous lui faisons de grands signes pour qu'il ne vienne pas
nous rejoindre. Sylvie, Bruno, Loan et Louisiane, "les apprentis
voyageurs" viennent nous rejoindre à pied et nous soutenir le
moral. Il nous faudra un camion, six hommes, des traverses de chemin de
fer, un câble et beaucoup de temps pour nous sortir de ce salar.
Nous sommes exténués, les nerfs lâchent à
tour de rôle, et c'est en fin de journée, après une
vingtaine de kilomètres d'une piste infernale que nous arrivons
à Uyuni, ville fantomatique s'il en est. A la première
station, il n'y a plus de gasoil, peut-être demain...Demain, nous
verrons, pour l'instant nous n'aspirons qu'à dormir !
Uyuni : les quelques rues du centre sont pavées, alors que les
autres ne sont que des chemins de terre complètement
défoncés, où nous devons redoubler de
dextérité pour slalomer entre les trous redoutables,
respecter les priorités mais on se demande lesquelles...Dans la
rue principale, au pied d'un lampadaire s'entassent des sacs poubelles
que des chiens viennent éventrer pour y trouver quelque
nourriture avant le passage d'hypothétiques éboueurs,
sous le regard indifférent des marchands ambulants...Nous
trouvons de quoi refaire notre plein d'eau et de gasoil. La
piste qui va directement à Tupiza est déconseillée
par tous les voyageurs,
donc nous l'évitons et
préférons le détour
par Potosi puis Tupiza. La piste sort de Uyuni en traversant des
terrains recouverts d'immondices et de plastiques en tous genres, elle
est loin l'image de carte postale que nous nous faisions de la Bolivie
! Là encore, nous roulons tantôt sur de bonnes portions de
route en construction, tantôt sur de la tôle
ondulée. Nocybb a des problèmes d'embrayage, et dans une
montée, il s'arrête, impossible de redémarrer.
Cette fois ce n'est que le gasoil qui gèle, un peu de patience
et ça redémarre. Tout va bien ensuite jusqu'à ce
que, à Porco, 50 kilomètres avant Potosi, nous soyons
arrêtés par un bloqueo, encore un ! Cette fois ce sont des
mineurs qui manifestent contre la hausse des impôts. Impossible
de passer. Nous essayons de négocier, les enfants, le froid, le manque de
nourriture, mais ils nous proposent gentiment de nous installer
à la pension de famille du village...Nous passons la nuit
à plus de 4000 mètres et beaucoup de vent...Le lendemain,
à force de discussions, ils acceptent de nous laisser passer
mais en nous prévenant que nous serons arrêtés au
prochain bloqueo. Nous tentons...et effectivement, quelques centaines
de mètres plus loin, nous sommes de nouveau
arrêtés. Cette fois, il y a plus de monde en attente,
surtout des camions. Là encore, nous discutons mais rien y
fait. Nous discutons avec Ricardo qui est là depuis 3
jours. Les mineurs sont en grève parce que le gouvernement veut
augmenter les impôts de la coopérative exploitant la mine.
Le patron leur a dit que si c'était ainsi, les salaires seraient
diminués. Les mineurs ont donc tout intérêt
à manifester pour défendre la cause de leur patron non ?
De ces trois jours et deux nuits passées sur le bloqueo, c'est
la grande misère intellectuelle qui nous a le plus
frappés. A cette vie très dure qui laisse peu de place
à une quelconque attention envers les autres, s'ajoute un
alcoolisme chez la plupart d'entre eux et une intoxication aux
métaux lourds non négligeable...vendredi soir,
à dix-huit heures, le bloqueo est levé mais reprendra
lundi...Nous avons deux jours pour rejoindre l'Argentine !
De nouveau Potosi, il fait nuit et nous circulons dans des ruelles
étroites, très en pente où traînent des
hordes de
chiens dont l'attitude agressive ne nous incite pas à descendre
pour demander notre chemin. Tant bien que mal pourtant nous parvenons
à trouver la route de Tupiza, belle route asphaltée.
Malheureusement, les bloqueos sont passés par là et de
nombreuses pierres sont restées sur la route entre lesquelles il
nous faut slalomer au risque de casser encore quelque chose, comme ces
deux véhicules au bout d'une longue trace d'huile sur la route, pas de doute, il y a des carters explosé...Enfin un
village et une station service, mais plus de gasoil...Nous bivouaquons
là, nous verrons demain...Et le lendemain, l'employé de la station sert du
gasoil, mais refuse de nous servir au prétexte qu'il y en a peu
et donc qu'il le garde pour les boliviens et ne sert pas les
étrangers...Charmant ! Stéphane utilise donc ses
jerricans, espérant en avoir assez jusqu'à Tupiza. Encore
un peu de belle route ce matin, puis de nouveau de la piste
poussiéreuse. Nocybb est devant, au cas où son embrayage
lâcherait. Nous laissons de la distance pour ne pas avaler trop
de poussière. Lorsque nous entendons un bruit sourd, nous
devinons de suite que nous avons la roue arrière droite
crevée. Pire : le pneu est complètement
déchiqueté ! Changement de roue, évidemment la
piste n'est pas très large à cet endroit mais ça
va, sauf lorsque des camions passent et nous laissent pendant quelques
secondes dans un infâme nuage de poussière. Nous
espérons que Nocybb ne va pas faire demi-tour pour ne pas
gaspiller le précieux gasoil. La roue est
démontée, mais au moment de remonter la roue de secours,
les boulons que nous avons ne vont que sur les jantes, pas sur la roue
tôlée. Heureusement que Pierre a vite fait de
réfléchir et il prend les boulons de sécurité
des trois autres roues. Encore merci Eurocar pour cette erreur
monumentale ! La roue remontée, le moteur tourne mais impossible
d'avancer, la roue est bloquée. On redémonte, remonte,
rien à faire, ça ne tourne pas. Pierre vérifie
donc la roue arrière gauche, elle tourne et donc ce n'est pas
l'arbre de pont, c'est déjà ça. Mais
déjà Dominique imagine que nous allons nous faire remorquer
et là où nous sommes, la dépanneuse n'est pas
là demain...Nocybb, ne nous voyant pas, a fait demi-tour.
Pendant que Pierre cherche l'origine de la panne, Stéphane
et Dominique vont jusqu'à la gomeria (atelier de
réparation des pneus) à 2 kilomètres de là.
Nous trouvons un jeune homme, nous ne saurons pas si il est ivre
ou un peu débile mais nous ne pouvons pas lui tirer 2 mots compréhensibles.
Trois gamines sont là et nous indiquent un mécanicien au
village suivant. Là un jeune homme accepte de venir. Il remonte
la roue, redémonte et finit par trouver : une pièce du
frein à main s'est cassée dans la roue, la bloquant et
faisant éclater le pneu. Une fois tout ça
démonté, la roue tourne, c'est le cas de le dire !
Vraiment bien ce petit mécano d'autant qu'au moment de le payer,
il nous demande seulement un pourboire ! Du coup, nous sommes
généreux avec lui...Nous reprenons la route mais il y a
un bruit bizarre, le mécano nous dit qu'il n'y a pas de
problème, il jette un dernier coup d'oeil avant de nous laisser
partir, ça devrait aller ! Encore un peu de piste puis nous
roulons environ 80 kilomètres sur de la route asphaltée,
le bonheur ! Ensuite encore de la piste, deux rivières à
traverser dont une où le pare choc souffrira encore un peu,
de la tôle ondulée très inconfortable et enfin
Tupiza et du gasoil ! Le dernier tronçon de piste avant la
frontière est égal aux autres, tôle ondulée,
déviation mais en soirée nous sommes à la
frontière, l'Argentine est devant nous ! L'entrée en
Argentine est soumise à des contrôles que nous n'avions
pas encore vécus. Fouille du camping-car, visite de la soute,
chien "renifleur de drogue", tout y passe et c'est vers 20 heures
trente que nous nous stationnons sur la place de l'église de la
Quiaca, fatigués, nous n'avons plus de gaz et donc plus de
chauffage depuis deux jours mais qu'à cela ne tienne, nous nous
offrons un restaurant et une bonne viande argentine !
Voilà, c'est le récit, un peu long sans doute,
de nos mésaventures boliviennes, mais les mésaventures
sont souvent plus longues à raconter que les aventures...
Déjà plus d'une semaine s'est écoulée
depuis notre retour en Argentine et les souvenirs prennent une toute
autre forme. Nous commençons à nous
remémorer les bons moments passés, si, si, il y en a
eu quelques uns...Et puis nous n'avons visité qu'une petite
partie de ce pays et en si peu de temps difficile de se faire
réellement une idée, surtout dans un pays si complexe.
Chaque fois que nous avons pu discuter avec des boliviens, ils ont
toujours affirmé être content de leur président,
alors...
La suite en Argentine...